Comment et pourquoi créons nous des mécanismes de protection ? Et enfin, comment la thérapie permet-elle d'appréhender notre personnalité secondaire, souvent source de souffrance à l'âge adulte ?
Se reconnecter à son être profond, guérir ses blessures, (ré)apprendre à s’aimer et à aimer est un chemin que chacun de nous peut décider d’emprunter. Mais il nécessite souvent l’humilité de reconnaître que sur ce chemin, nous aurons besoin d’être écouté, aidé, épaulé. Pourquoi ne puis-je y parvenir seul ? Bien sûr, il est possible d’avancer seul, mais ne sous estimez jamais la puissance et la créativité hors pairs de nos mécanismes de protection.
Ces mécanismes et les résistances qui vont avec, souvent mis en place depuis l’enfance, donc bien enracinés, ont été créés par notre être pour le protéger. Saluons donc nos névroses qui ont été subtilement créées pour protéger notre intégrité. Le bébé et l’enfant déploient des trésors d’imagination et de créativité pour survivre, être vu, être aimé, conserver le lien… L’enfant va ainsi tester les mécanismes, postures, comportements qui fonctionnent le mieux auprès de son entourage en fonction de sa personnalité, de ses besoins et de son environnement. Les mécanismes ainsi mis en place se renforcent de manière inconsciente, deviennent automatiques, et deviendront ce que l’on nomme « sa personnalité secondaire ».
Quelques brefs exemples de développement de la personnalité secondaire
C’est ainsi que l’enfant qui n’est pas vu par sa famille ne se sentira pas exister aux yeux du monde. Il intègrera qu’il n’existe pas vraiment, qu’il ne compte pas. Il prendra peut-être pour habitude de se rendre invisible, il fera tout pour ne pas être vu. S’effacer, ne pas habiter son corps, ne pas vivre dans le monde réel, ne pas entrer en lien feront partie de ses mécanismes de protection (personnalité secondaire) ; mais pas de son désir profond, qui est de vouloir entrer et conserver le lien avec autrui.
Ou encore, l’enfant à qui l’on coupe la parole tout le temps, à qui l’on ne donne pas l’espace et le temps de s’exprimer au sein de la famille pourra prendre l’habitude de parler très vite, d’avaler ses mots.
L’enfant qui ne reçoit pas assez d’attention ou d’affection développera des mécanismes pour attirer l’attention : être toujours malade, être toujours mignon(ne), être turbulent…
Au-delà de la mise en place de ces mécanismes névrotiques de protection qui permettent à l’enfant d’obtenir (avec plus ou moins de succès) ce dont il a besoin, l’enfant va également chercher à réguler son environnement. Autrement dit, l’enfant cherchera toujours à guérir le parent, à prendre en charge son entourage.
Deux causes à cela :
- L’amour qu’il éprouve pour ses parents.
- Le fait que sa survie dépende de son environnement.
Pour le jeune enfant, la cellule familiale immédiate (parents, frères et sœur) représente son univers, ce qu’il a de plus précieux. Autrement dit, si les parents dysfonctionnent, le monde entier de l’enfant dysfonctionne et cela n’est pas acceptable. L’enfant va donc tenter de réguler, sauver, porter, rééquilibrer ce qui ne l’est pas. Sa survie en dépend.
C’est ainsi que…
L’enfant dont l’un des parents est dépressif, sera toujours joyeux, ne sera pas connecté à certaines de ses émotions comme la tristesse. Il n’a pas le droit d’être triste.
L’enfant qui voit sa mère se faire battre par son père pourra dans certains cas renoncer pour toujours à sa force, se promettant de ne jamais faire « comme son père ». Ou au contraire intègrera qu’aimer et être en lien revient à exprimer de la violence.
L’enfant dont le frère est handicapé ne se plaindra jamais, ira toujours bien.
Le petit garçon à qui l’on dit que les émotions autres que la colère ne sont pas masculines s’interdira tout un pan de la palette émotionnelle et comportementale humaine.
Les exemples sont infinis, et la manière dont chacun de nous répondra à son environnement est unique. Se sauver soi-même et sauver son environnement immédiat revient à la même chose : survivre et être en lien.
Ces mécanismes que l’on met en place constituent notre personnalité secondaire.
Notre personnalité secondaire nous enferme
Elle rigidifie notre réponse au monde, la façon dont nous interagissons avec le monde, les autres et nous-même. Elle nous limite, nous enferme dans des schémas de répétition. À la différence de notre personnalité primaire, qui est celle qui n’a pas été altérée par ces mécanismes de protection, notre personnalité secondaire, sans que nous le souhaitions, nous enferme dans des schémas de répétition qui nous font souffrir (ne pas être vu, être abandonné, être trahi…), qui nous rendent malheureux et, souvent à l’âge adulte, ne nous correspondent plus.
Alors que notre personnalité primaire et saine nous offre une réponse au monde souple, notre personnalité secondaire rigidifie celle-ci. Une interaction souple au monde qui nous entoure nous permet de visiter chaque émotion, chaque réponse comportementale, chaque pensée de manière souple et adaptée à notre environnement. Idéalement, l’être non névrotique va pouvoir éprouver, suivant les situations qui s’offrent à lui, sa faiblesse ou sa force, sa joie ou sa tristesse, sa colère ou sa paix intérieure, son besoin de solitude ou son besoin d’interaction, sa fatigue ou sa vitalité…
À l’inverse, notre personnalité secondaire nous enferme dans une seule réponse au monde : ne pas être capable de ressentir ou d’exprimer certaines émotions, ne jamais faire usage de notre force, être tout le temps fatigué, triste, en colère, en retard, ne pas pouvoir être seul…
Le chemin de la thérapie
La bonne nouvelle est que notre personnalité primaire est toujours présente en nous. Parfois nous la contactons, lorsque nous nous sentons vraiment nous-même, lorsque nous sommes connectés à notre essence, à notre joie intérieure, profonde et paisible, lorsque nous nous sentons respectés dans ce que nous sommes… Nous sommes en lien avec notre personnalité primaire, notre noyau sain. Pour certaines personnes, l’accessibilité à ce noyau est impossible ou extrêmement rare. Pour la majorité d’entre nous, il n’est pas accessible en permanence car notre personnalité secondaire prend le dessus.
La thérapie permet non pas de détruire cette personnalité secondaire, mais d’apprendre à la connaître, à l’appréhender, de faire la paix avec elle. On ne lutte pas contre sa personnalité secondaire, on la rencontre, on se réconcilie avec elle pour laisser entrevoir de plus en plus souvent notre personnalité primaire, notre véritable « soi », notre être profond.
En démarrant une thérapie, nous faisons comprendre à la partie de nous qui a été blessée, qu’elle n’a aujourd’hui plus besoin de tous ces mécanismes de protection. Nous faisons comprendre à notre être que la dynamique en place a changé, et que ces couches de personnalité secondaire n’ont plus besoin d’être là en permanence pour nous protéger.
Lorsque le besoin de changement se fait sentir, et que la souffrance des schémas qui se répètent devient insupportable, démarrer un travail thérapeutique, quel qu’il soit, peut être une solution. Notre solution intérieure.
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